HÉRITAGE HISTORIQUE
Une présence oubliée
Nous présentons ici l’évolution de la présence protestante francophone au Québec, depuis les premiers huguenots de la Nouvelle-France jusqu’à l’établissement de l’UÉBFC.
Notre histoire
Notre histoire
À travers les prochains chapitres, nous vous invitons à découvrir les moments clés et les figures marquantes qui ont façonné cette histoire méconnue. Nous aborderons l’arrivée des missionnaires suisses au 19ᵉ siècle, la fondation de la Mission de la Grande-Ligne, ainsi que les défis sociaux et culturels auxquels les franco-protestants ont dû faire face. Vous découvrirez également la naissance de l’Union en 1969, son rôle pionnier dans l’éducation et son engagement dans la diversité culturelle au 20ᵉ siècle. Enfin, nous explorerons les efforts de l’Union pour fournir un leadership dans les affaires publiques et politiques, notamment celles liées à la liberté de religion et la laïcité, ainsi que le dialogue inter-religieux.
Photo : Signataires de l’Acte d’incorporation de l’Union, le 11 août 1969. De gauche à droite : Nelson Thomson, Azellus Tessier, Émile Boisvert, Albert Lefrançois, P.R Selby, Laurent Brouillet, président, Maurice Boillat, Secrétaire général, Georges Rocher, Louis Langevin, Guy Brouillet, Charles Foster.
Chapitre 1: Les huguenots
Au Québec et dans l’ensemble du Canada français, la langue et la religion furent étroitement entremêlées pendant très longtemps : les anglophones étaient souvent protestants et les francophones, presqu’exclusivement catholiques romains. L’appartenance religieuse constituait un élément fondamental de l’identité des Canadiens-français. C’est ce qui explique que, malgré leur présence depuis le début de la colonie, l’histoire des protestants francophones du Canada est peu et mal connue.
À l’époque de la fondation de la Nouvelle-France, on nomme « huguenots » les sujets protestants du royaume catholique qui suivent la Réforme, laquelle prône un retour à la Bible comme source exclusive de la foi et seul guide de l’Église. De nombreux huguenots comptaient parmi les premiers explorateurs, marchants et colons de la Nouvelle-France. Citons, par exemple, le commerçant de fourrures Pierre de Chauvin, ainsi que Jean-François de la Rocque de Roberval, premier gouverneur de la colonie, et Pierre Dugua de Mons, fondateur de l’Acadie et co-fondateur de Québec avec Samuel de Champlain.
Dans la nouvelle colonie, cependant, les huguenots n’étaient que tolérés et n’eurent jamais le droit d’exercer leur culte : aucun pasteur, aucune église, aucune école, aucun cimetière protestant ne pouvait s’y établir. Ainsi, pour franchir les étapes de la vie (détenir un acte de naissance, de mariage ou de décès, recevoir une éducation, acquérir une propriété, hériter), les protestants de langue française devaient se convertir au catholicisme. Sous le Régime anglais (1760 – 1791), ils pouvaient se joindre aux Églises anglophones. Mais pour cela, ils devaient renoncer à leur langue maternelle et s’assimiler au société anglaise. On comprend que les traces de la présence des protestants francophones dans l’histoire soient si difficiles à identifier…
Pour en savoir plus : Marie-Claude Rocher et al. Huguenots et protestants francophones au Québec. Fragments d’histoire. Novalis, Montréal, 2014.
Chapitre 2: Depuis la Suisse
Au 19ᵉ siècle, dans la lointaine Suisse où s’étaient réfugiés les huguenots persécutés en France, un réveil spirituel motive plusieurs Églises à envoyer des missionnaires en terre d’Amérique. Ainsi, en 1834, arrivent Henriette Feller et son jeune collègue Louis Roussy, qui tentent une première œuvre à Montréal. Mais l’opposition du clergé est vive et, après d’âpres confrontations, deux ans plus tard, ils optent plutôt pour des « terres de concessions » dans la vallée du Richelieu, nouvellement colonisées, dépourvues de services publics et peu visitées par le clergé catholique. Henriette Feller tient école dans le grenier de la maison où elle loge, accueillant ceux qui désirent apprendre à lire – enfants ou adultes. Elle offre également les connaissances médicales glanées dans sa jeunesse lorsqu’elle accompagnait son père dans ses fonctions de directeur d’hôpital puis d’administrateur de pénitencier. Louis Roussy, qui habite le village de L’Acadie, s’y rend régulièrement pour donner des études bibliques fréquentées par une douzaine de familles.
Étant protestants, les missionnaires et les familles converties sont spontanément associés aux anglais. Dans la tourmente de la Rébellion des patriotes (1837-1838), la soixantaine de convertis fait l’objet de violences et s’exilent brièvement aux États-Unis. Parmi eux se trouve Cyrille-Hector-Octave Côté, médecin, patriote bien connu et… futur pasteur baptiste. À leur retour, ils constatent la destruction de leurs propriétés mais refusent de traduire les coupables en justice, préférant témoigner de la grâce de Dieu par leur comportement. Sans le savoir, ils jettent ainsi les bases de ce qui deviendra l’Institut Feller et la Mission de la Grande-Ligne, le précurseur de l’Union que nous connaissons aujourd’hui.
Pour en savoir plus :
Jean-Louis Lalonde, « Les missionnaires et la Rébellion de 1837-1838 », dans : Des loups dans la bergerie. Les protestants de langue française au Québec 1534-2000. Fides, Montréal, 2001, p. 63-72.
Marie-Claude Rocher, De pierres et de prières. Union d’Églises baptistes du Canada : 50 ans de présence. Québec, Les Éditions du monde ordinaire, 2020.
Chapitre 3: Naissance de l’Union
La Mission de la Grande-Ligne connaîtra quelque 75 ans de croissance continue. Puis, à partir de 1910, une stagnation qui s’explique par deux ensembles de facteurs : d’une part, les obstacles sociaux tels le manque d’écoles pour les enfants franco-protestants (qui ne peuvent fréquenter ni les écoles de rang ni les écoles de fabrique), la discrimination dans l’embauche des ouvriers non-catholiques et la pression constante pour retourner à la religion de la majorité francophone ou s’intégrer dans la communauté protestante et anglophone ; d’autre part, l’anglicisation de la Mission de la Grande-Ligne, qui dépendait largement du soutien financier des chrétiens de l’ensemble du Canada.
Dans une certaine mesure, la création de l’Union reflète les bouleversements profonds, bien connus, qui ont transformé le Québec, avec la Révolution tranquille. En 1964, la Convention baptiste de l’Ontario et du Québec adopte une résolution historique : « Que la Mission de la Grande-Ligne cède sa place à une Union d’Églises baptiste au Canada, pour la plus grande gloire de Dieu. » L’acte d’incorporation est signé le 11 août 1969 et la nouvelle Union devient la quatrième convention de la Fédération baptiste du Canada, seule francophone parmi ses pairs.
L’Union baptiste, comme d’ailleurs la majorité des Églises franco-protestantes de l’époque, furent avant-gardistes dans plusieurs domaines, particulièrement dans le domaine de l’éducation. S’inscrivant à contre-courant du système éducatif confessionnel, ils prônent une école laïque et mixte.
Marie-Claude Rocher, De pierres et de prières. Union d’Églises baptistes du Canada : 50 ans de présence. Québec, Les Éditions du monde ordinaire, 2020.
Chapitre 4: Survol au 20e siècle
Au lendemain de la révolution tranquille, les églises baptistes jouent un rôle d’avant-plan dans l’établissement d’un Québec multiculturel. Ces communautés sont les premières à accueillir les réfugiés haïtiens qui fuyaient la dictature de Duvalier. Ces derniers forment aujourd’hui une part importante de la communauté baptiste québécoise, communauté qui continue de grandir et de se diversifier.
La diversité culturelle étant l’un des marqueurs identitaires de l’Union, nous formons aujourd’hui une grande communauté d’églises. Cette communauté est multiethnique avec des églises haïtiennes, africaines et sud-américaines. Elle contient des églises urbaines et rurales et se répand dans les maritimes, au Québec et dans l’Outaouais.
Marie-Claude Rocher, De pierres et de prières. Union d’Églises baptistes du Canada : 50 ans de présence. Québec, Les Éditions du monde ordinaire, 2020.
Chapitre 5: Conclusion
Aujourd’hui encore, l’Union baptiste continue de jouer un rôle clé au sein du protestantisme francophone. Elle a été instrumentale dans la constitution du Réseau Évangélique du Québec, un réseau qui réunit les différentes communautés protestantes de la province. Elle continue de contribuer à ces efforts en fournissant un leadership dans les affaires publiques et politiques, notamment celles liées à la liberté de religion et la laïcité, ainsi que le dialogue inter-religieux.
Si vous désirez vous joindre à cette histoire, ou pour en savoir plus, n’hésitez pas à nous contacter.
Marie-Claude Rocher, De pierres et de prières. Union d’Églises baptistes du Canada : 50 ans de présence. Québec, Les Éditions du monde ordinaire, 2020.